Selon la Fédération nationale des communes forestières (FNCofor), le gouvernement s'apprêterait à supprimer près d'une centaine de postes à l'Office national des forêts, après des années de saignée dans les effectifs. Une décision qu'elle juge « inacceptable ».
Tous les espoirs étaient permis, à la lecture du rapport de la Cour des comptes publié le 19 septembre (lire Maire info du 24 septembre). Les magistrats financiers, pourtant prompts à exiger des coupes plus ou moins brutales dans les effectifs des services publics, alertaient sur l’érosion de ceux de l’ONF et demandait que celle-ci soit stoppée. « Soumis pendant de nombreuses années à des schémas d’emploi contraignants visant à réduire sa masse salariale, les moyens humains de l’établissement apparaissent désormais insuffisants pour répondre aux missions croissantes qui lui sont assignés », écrivait la Cour des comptes,, qui déplorait que « ces réductions d’effectifs (aient) eu des conséquences importantes sur le maintien des compétences au sein de l’établissement ». Rappelons qu’en vingt ans, les effectifs de l’ONF sont passés de 12 500 à 7 500.
« On casse tout »
Mais le gouvernement, apparemment, ne l’entend pas de cette oreille et n’est pas prêt à écouter les recommandations de la Cour : les syndicats de l’établissement ont été informés que le projet de loi de finances pour 2025 acterait une diminution de 95 équivalent temps plein au sein de l’ONF. Soit la mise en œuvre d’un projet déjà présenté l’an dernier, que les syndicats avaient réussi à mettre en échec dans les négociations avec le ministère.
Alors que les organisations syndicales étaient convaincues que le rapport de la Cour des comptes avait été « un point de bascule » et un « changement de paradigme », la déception est grande aujourd’hui. D’autant plus qu’ils avaient cru voir – tout comme la FNCofor elle-même – un excellent signal dans le fait que l’intitulé du portefeuille d’Annie Genevard inclue la forêt (ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt). « Cela a été une agréable surprise, se rappelle Alain Lesturgez, directeur général de la FNCofor. Mais patatras !, quelques semaines plus tard on casse tout avec cette annonce des suppressions d’emploi. »
« Les suppressions d’emploi à l’ONF, cela fait 15 ans que ça dure », rappelle-t-il ce matin à Maire info. « Nous avions pourtant réussi à obtenir un moratoire pour la période 2020-2025, mais apparemment le gouvernement a pris sa décision. Cela voudra dire moins d’agents sur le terrain, moins de compétences, et le sentiment que l’on continue à déshabiller le service public dans le monde rural – où l’ONF est parfois le dernier service public qui reste. » Et tout cela, rappelle le communiqué publié par la FNCofor, au moment où « les forêts sont confrontées à de multiples défis : changement climatique, biodiversité menacée et pression foncière ». « Il faut comprendre que les forêts sont en train de ‘’claquer’’, partout, s’indigne Alain Lesturgez, et que c’est au contraire le moment d’être particulièrement dynamique, sur le renouvellement, sur le déplacement du bois ». C’est précisément ce qui avait conduit la Cour des comptes à demander un renforcement des moyens de l’établissement : « Les besoins en travaux de reconstitution des forêts sinistrées par les dépérissements induits par le changement climatique sont massifs et croissants », écrivaient les magistrats de la rue Cambon.
« Double pleine »
Quant au président de la FNCofor, Philippe Canot, maire de Sécheval dans les Ardennes, il dénonce ce matin « une double peine pour les communes rurales ». « On a déjà tout le train de mesures que l’on a découvertes dans le projet de loi de finances, qui vont représenter des milliards pris sur le budget des communes, et voilà qu’on nous rajoute les suppressions d’emploi à l’ONF. Ça commence à faire beaucoup ! D’autant que nous n’avons pas encore fini d’examiner le projet de loi de finances, et qu’on ne sait pas si d’autres dotations concernant la forêt vont disparaître. »
Alain Lesturgez ajoute que la mesure de suppression de postes à l’ONF n’est « même pas une vraie mesure d’économies » : « Les postes seront peut-être supprimés, mais il faudra quand même faire le travail, et pour cela il faudra prendre des prestataires, ce qui coûtera plus cher. »
La FNCofor appelle donc « les décideurs à reconsidérer ces mesures néfastes et à investir dans les ressources humaines. La suppression de postes à l’ONF irait à l’encontre des engagements pris par l’État en matière de durabilité et de protection de l’environnement. L’Office national des forêts doit disposer des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux actuels, assurer la gestion des forêts publiques et accompagner les collectivités dans leurs initiatives de renouvellement forestier, de préservation de la biodiversité et de production de bois. »
La mesure passera-t-elle dans le projet de loi de finances ? La FNCofor croit savoir que la ministre Annie Genevard y serait « opposée », mais il reste à savoir quel sera son poids face à Bercy. La Fédération, en attendant, va faire porter des amendements pour tenter de faire barrage à ces suppressions de postes.
(Source: Article de Franck LEMARC pour Maire-Info 16/10/2024)